Eux et nous : Différences culturelles et plastiques (1)
Mon petit cactus alopécien, permets-moi de t’embrasser pour cette nouvelle année que je n’ai pas vue arriver pour cause de 28 degrés permanents, de boulot non-stop, et de soirées gin-tonic enfilées les unes à la suite des autres, que ce soit le 31 ou le 23 ou même le 17, vois-tu. Cali aussi est une fête, faut pas croire...
Le 31, les colombiens le passent en famille. Rien à voir donc avec notre tradition de grosses teufs de potes, ou on embrasse à minuit des inconnus, amis d’amis, dans une maison qu’on ne connaît pas, les larmes aux yeux, en se promettant les choses les plus graves – « Je te souhaite de réussir ta vie en 2016, il te reste plus beaucoup de temps et tu es mal emmanché c’est vrai, mais si tu t’y mets tout de suite, je te jure que t’as encore une fenêtre de tir pour arriver à quelque chose, l’important c’est d’y croire ! » - avec la plus grande sincérité lorsque l’on est souvent incapable de dire un truc un peu gentil aux gens les plus proches de soi les autres jours de l’année.
Le 31, les colombiens le passent avec leur grand-mère, leurs parents, leurs vieilles tantes. Ça ne veut pas dire qu’ils ne finissent pas sous les tables à finir les copas d’aguardiente d’ailleurs, puisqu’ici, tout le monde boit et fait la fête, même les vieux. La notion de « Tiens-toi bien devant Mémé (et son balai dans le cul)! » n’existe pas vraiment non plus, car ici, si tu es content, tout le monde est content pour toi. Je me souviens de la grand-mère de Sebastian, vieille dame très élégante et très digne de 93 ans, qui levait son petit verre de Dubonnet avec tout le monde et partait parfois se coucher pompette, sous le regard approbateur et ému de toute la tribu...
Cela m’amène donc au sujet de ce post (oui, en 2016, je vais prendre un thème et je vais le développer, vraiment) : ce que les Colombiens ne font pas comme nous. Il y a mille choses évidemment, mais émergent quelques différences culturelles, parfois minimes, qui font que nous sommes finalement très distincts. Et que parfois, tu te dis : « Mais où suis-je ? ».
1/ Ils petit-déjeunent salé. Le desayuno typique contient une arepa, un œuf, des restes de la veille réchauffés (riz, viande hachée, chicharrones…), un recalentado. On peut y trouver aussi une papa relleña, dont je t’ai déjà parlé LA. La mode des petit-déj à l’américaine est cependant en train de changer la donne chez les branchés, qui commencent à consommer des pancakes et à aller bruncher de petits pains de toutes sortes, confitures, fruits et yaourts.
(Déjeuner d'un dimanche typique à la piscine : ceviche, chicharrones, tostadas et sauces)
2/ Ils mangent la soupe le midi, jamais le soir, sauf éventuellement les enfants. Et si tu leur proposes une soupe le soir, ils vont te regarder avec effarement, comme si tu demandais du ketchup pour arroser tes coquilles saint jacques dans un resto étoilé. Et ils vont te dire « Hou mon dieu, non ! C’est beaucoup trop lourd avant de dormir ! ».
Il faut dire que les soupes colombiennes ne sont pas totalement light, elles louchent plus du côté du pot-au-feu que du bouillon de courgette.
Les deux soupes les plus connues, sont le sancocho et l’ajiaco. Le premier est semble-t-il typique de ma région, la Valle del Cauca, quoi qu’en dise wikipedia qui la localise vers Medellin. Dur de savoir, je n’ai pas le temps de mener l’enquête, les régionalismes et fiertés locales sont si fortes que les gens sont bien capables de s’approprier des spécialités voisines qui leur plaisent. Dans le sancocho, on trouve de la viande (au choix, poulet, bœuf, porc, queue de bœuf…), des pommes de terre, de la yucca, du maïs. Un délice.
L’ajiaco est lui originaire sans aucun doute de la région de Bogota. Là encore, à partir d’une base de bouillon (caldo), on ajoute des pommes de terres, du poulet éméché (une autre habitude typique qui consiste à arracher des fibres de poulet cuit, à la main ou en s’aidant d’une fourchette, je ne sais pas comment te dire cela plus clairement, c’est pas évident à expliquer, mais ça s’utilise énormément), des câpres, de l’avocat, de la crème aigre et de la guasca, une plante aromatique très utilisée ici. C’est délicieux aussi. Je préfère le sancocho cela dit. La particularité de ces soupes, c’est que, un peu comme au Mac do, tu es très vite repu, et à 16 heures tu as de nouveau faim.
3/ Ce qu’ils appellent « viande » ne recouvrent pas les mêmes aliments que nous.
La « viande » d’un colombien, c’est le porc, le bœuf, le veau. Mais pas le poulet, qui entre dans une autre catégorie à part entière, le « pollo ». En revanche le poisson entre dans les viandes ! Ne m’en parle pas je n’arrive toujours pas à m’y faire. Mettre le poisson dans les viandes, sérieux, c’est comme mettre les croques monsieur dans la carte des desserts, non ?
Quand on te dit :
- « Tu as envie de manger quoi ce soir ?
- De la carne, no se… »
Ça peut très bien finir avec une truite à la plancha.
Mais si on te dit :
- Tu veux de la viande ce soir ?
- Ouais je me ferais bien une cuisse de poulet au citron romarin (#cheflife)
- Je t’ai demandé si tu voulais de la viande, pas du poulet, andouillette ! (#wifelife)
Je ne vais pas faire ma Cosette, mais c’est assez déstabilisant.
4 / Ils ne font pas un, deux, trois, quatre, cinq avec leurs doigts comme nous.
Le 1, c’est le petit doigt levé, façon vieux chinois qui va se curer l’oreille poilue (J’ai le droit de dire ça, j’ai vécu un an à Belleville, je sais de quoi je parle)
Le 2, annuaire + petit doigt
Le 3 c’est soit le OK des emoji ou index + annulaire + majeur
4 et 5 sont comme nous.
Je vois souvent des filles au resto qui racontent des histoires animées et font des listes, les doigts tout courbés bizarrement, c’est fascinant. Mais je crois que les américains font la même chose. Mon fils commence à agir de même, j’hésite a le reprendre quitte a le stigmatiser en marquant une différence de plus et courir le risque qu’on lui jette des pierres dans 6 ans ou à le laisser définitivement sombrer dans la colombianité toute puissante (cela dit, à la maison, c’est céréales au petit-déj et crème de petit-pois à la menthe, non mais !)
(Un, dos, tres...)
5/ Voilà sans doute le point le plus bizarre.
Ils ne font pas les nœuds de sacs de supermarchés comme nous.
Je te jure.
Je m’explique.
Pour fermer les sacs en plastique a anses, ils font une sorte de fouillis tourmenté, de tourbillon de nœuds, ni double-boucle, ni Zeppelin, un truc compliqué qui m’échappe complètement et que je n’arrive pas à démonter quand je rentre chez moi avec 78 sacs (au supermarché, un jeune homme, en général, empaquette tes courses thématiquement : les yaourts avec le beurre, les fruits ensemble, le jambon avec le fromage. C’est super, mais ça veut aussi dire qu’on lieu de remplir les sacs jusqu’à la goule, on met parfois deux produits par sachet). Je ne peux que te montrer une photo pour te faire comprendre.
(Simple comme un sac en plastique colombien)
Et comme on m’a fait remarquer que mes billets étaient beaucoup trop longs, je t’annonce qu’il y aura un épisode 2 à ce post : 5 autres trucs que nous ne faisons pas du tout comme eux. Tu vois, c’est des bricoles, mais c’est à ces petites choses que tu te souviens que tu n’as pas grandi ici.
La suite, donc au prochain numéro.
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