Mais que c'est trop chouette le foot !
Je ne sais pas si tu vas me croire, mais je suis quasiment totalement foot-free, une semi-vraie vegan du ballon. Il n’est presque jamais passé par moi. Personne dans ma famille ne regardait le foot, je n’ai aucun souvenir de foot, ce n’était évidemment pas un sujet de conversation à table, ni chez moi, ni chez mes grands-parents, ni chez les amis d’enfance. Mon premier vrai souvenir de foot, c’est 1998, à Amiens, avec des amis et mon copain de l’époque, pas fan de foot non plus, mais finale de la Coupe du monde oblige, tout de même, on regardait avec des potes. Je me souviens avoir surtout bloqué ce jour-là sur l’annonce par l’une des filles du groupe qu’elle était enceinte, ça oui c’était une énorme nouvelle, le reste, je ne m’en rappelle pas - la fille n’avait pas pu picoler après la victoire #lamerde. Je me revois dans ce jardin en train de la regarder, elle était un peu plus âgée que moi, mais j’avais tout de même 24 ans, un âge raisonnable pour éventuellement penser à se reproduire avec autrui, mais la chose était à des milliards d’années-lumière de moi. J’ai très peu regardé la partie, mais fixé cette fille – bizarrement, elle avait l’air exactement comme avant – et tout loupé de la rencontre jusqu’à la partie où on danse bourrés sur We are the champions.
Maintenant que j’y repense, en 1998, j’étais déjà allée au stade en fait, grâce à A., le vrai et unique pilier foot de ma vie. Un camarade de promo dont j’ai oublié le nom nous avait emmenés au Parc des Princes, deux ans avant. Je n’en garde aucun souvenir non plus, à part le vague frissonnement de penser que peut-être nous allions tomber sur des hooligans, voir du sang, des mâchoires pétées, des tibias démembrés, un peu d’action quoi, des brutes du PSG en train de s’étriper, je sais pas moi… Eh bien pas du tout. Je me suis fait chier – en plus, au stade, franchement on voit rien du tout, les gars sont tout petits et personne n’est là pour t’expliquer quand et pourquoi gueuler. J’en ai le souvenir que l’on garde d’un mauvais coup, tu attends que ça passe et en même temps, tu es bien contente quand c’est fait. Check.
Ensuite, j’ai fréquenté de près un fan de l’OM, et footballistiquement parlant, j’ai fait quelques folies pour lui, comme regarder un match avec l’écharpe bleue et blanche de Marseille – je l’écris et je pouffe. C’était marrant et ça m’a donné un avant-goût de la ferveur qui emporte les vrais fous de foot. Je le regardais crier, souffler, râler, stresser, suer, comme un entomologiste observe les fourmis : « tiens, là, il est vraiment pas content ; tiens, là, on dirait qu’il a vu Jésus ; ouille, tiens là, je vais plutôt rentrer dormir chez moi », tout en pensant : « ça doit être chouette de partir si haut avec un simple ballon ».
Mon ami A. a essayé, sans mentir, de m’expliquer 15 fois la différence entre la Ligue des champions, la Coupe d’Europe, la Super coupe du ballon rond, le Championnat des nations joueuses de football et FIFA football Playstation. En vain. Je fais un blocage, un peu comme avec la 4G, le wifi et le blutooth : je pige rien. C’est devenu une blague et je suis sûre qu’un jour je comprendrai, A., promis (à moins que ce ne soit toi qui explique mal ????!)
Comme beaucoup d'entre vous j'imagine, j'ai découvert hier l'existence de David Ospina. Quelle émotion. Quel homme. Quel beau métier. Ces mains, ces grands bras... J'adore la tête qu'il fait quand il attrape la balle. Bravo l'artiste !
Bref, on ne va pas énumérer tous mes rendez-vous manqués avec le foot. Ce dont je voulais te parler aujourd’hui, c’est au contraire de l’hystérie qui s’empare de moi quand je vois un match avec la Colombie. C’est parfaitement ridicule, j’en conviens. Mais c’est ainsi.
Dimanche, j’ai tellement gueulé que j’ai encore mal à la gorge 3 jours après. 3-0 contre la Pologne, j’ai quasiment senti mes neurones cramer de joie dans ma tête à chaque but marqué. Je devais sentir le cochon grillé. L’impression de faire des loopings sur une licorne, de tomber amoureuse sous acide, de descendre une montagne russe en Wonderland, un truc fou. Le troisième plus beau jour de ma vie. Alors que je n’ose pas le dire trop fort, mais je n’ai encore vu aucun match de la France – à qui je souhaite évidemment tout le bonheur du monde et que je suivrai avec passion si elle va en finale, obvio (oui A., je sais, tu as raison…).
Pourquoi ? Je te le demande sérieusement. C’est un peu comme les noirs et les arabes qui soutiennent Marine Le Pen, non, cette schizophrénie, ce désir « d’en être » quand tout ton ADN est programmé pour l’inverse? J’ai aucune personnalité en fait, je suis le groupe leader comme un mouton. Heureusement que je vis dans une ville qui a des occupations sommes toute classiques, et non pas à Gloucester, par exemple, où chaque année ils organisent une course stupide : dévaler une colline à la poursuite d’une meule de fromage…
Là, David va encore très bien attraper le ballon, tu vas voir...
Bon il faut dire qu’ici, les jours de matchs, toute la population est aux couleurs de la Colombie, avec le maillot, la casquette, la peinture sur la figure. Même les employés de banque quittent leur sacro-saint uniforme derrière leur guichet et revêtent le maillot. Le pays s’arrête, les parents n’envoient pas les enfants à l’école, les chirurgiens arrêtent de refaire des seins, les gens pleurent de joie, comme si leur vie en dépendait. Ils font des feux d’artifices, accrochent des drapeaux à leurs voitures, à leurs maisons, à leurs cuvettes de chiottes, mettent des petits manteaux aux couleurs du pays à leurs chiens. Forcément, c’est touchant. Forcément, cette folie collective au son de la vuvuzela est contagieuse.
Mais au-delà du mouvement de masse qui t’emporte, je me demande si les émigrés que nous sommes ne ressentont pas le besoin de signifier à leur pays d’adoption qu’ils l’aiment et le soutiennent. Parce que je ne suis pas la seule dans mon cas. Mes amis étrangers sont pareils. Pire, même : j’ai des potes qui sont en vacances chez eux, en France ou au pays de Galles, et qui font comme s’ils étaient ici avec nous à Cali, avec le maillot et toute la panoplie. Alors, t’expliques ça comment toi ? Nous, on ne vote pas, mais on a le droit de gueuler quand ya but !
Bref, on est en 8e de finale. Vivement mardi, qu’on mette une grosse pâtée aux Roastbeef, si dios quiere. Je crois que les Colombiens ont besoin de cette forme de reconnaissance internationale pour panser leurs blessures et redorer leur injustement mauvaise réputation. Ils sont tellement fiers de gagner, comme si cela leur donnait enfin une sorte de légitimité indiscutable, que ça me donne envie de pleurer. Après tout, si le foot peut faire ça, même durant 90 minutes, je veux bien essayer de finir notre album Panini.
Encore attrapé ! Ah non ya pas à dire, il est vraiment fort David !
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