Une Parisienne à Cali

En Colombie, Dieu te voit toujours. 93% des colombiens se réclament du catholicisme, c'est dire que cela laisse peu de place aux autres. Je ne vais pas me lancer dans une approche analytique du sujet je n'en ai absolument pas les compétences mais si cela vous dit d'avoir un aperçu historique, jetez un œil ici. Je me contenterai de vous donner mon ressenti, avec ce qu'il a évidemment de partial, de potentiellement erroné, voire de totalement con.

Dieu, donc, est partout. Marie, sa maman, aussi - tu m'excuseras, je n'y connais rien, je n'ai jamais été au cathé, mes parents ont eu un mauvais pressentiment avec le prêtre de mon village picard quand j'avais 8 ans et que j'écrasais des punaises - et le niño de dios, la version jeune, mignonne et insouciante du Jésus qui finit ensanglanté sur une croix, aussi. Moi, je suis aux anges, car j'adore l'imagerie divine.

Ici, elle est partout. Je sais que ce n'est pas propre à la Colombie, dans de nombreux autres pays d'Amérique latine, notamment au Mexique, c'est aussi le cas.  Dieu donc, s'invite dans les rues des villes comme des villages (surtout des villages quand même), au bout des porte-clés, à la place des sapins magiques dans les voitures, dans les portes-feuilles, au dessus des lits des jeunes filles de bonne famille - des autres aussi peut-être.

La ville de Buga est célèbre pour sa très belle basilique, dite Menor del Señor de los Milagros. Outre qu'elle possède une horloge française, nous apprend Wikipédia (pas vue...), elle est réputée pour exaucer les souhaits des pélerins et donc, comme son nom l'indique, permettre des miracles. Chaque dimanche, une foule impressionnante se rassemble sur le parvis. Il faut faire la queue pour entrer et admirer le Christ sur sa croix. A Pâques, durant la Semaine Sainte, des pèlerins de tout le pays viennent l'honorer.

Tout autour de la basilique, on trouve, un peu comme à Montmartre, mais en moins cher, des marchands qui vendent quantité de petits objets, bougies, cendriers, bracelets (ceux qui figurent sur la photos ci-dessus, des escapularios ont été achetés à Buga), magnets, pique-saucisses, etc... C'est extraordinaire et la ferveur ambiante est impressionnante.

Dieu est aussi, et surtout, dans les conversations. "Si dios quiere", si Dieu le veut, donc, et "Gracias a Dios" reviennent au moins 100 fois dans une journée - sachant que je parle à très peu de monde, hein, je n'ai pas encore d'amis, c'est te dire... Tout est assujetti au bon vouloir de Dieu. Evidemment, comme le note cet article de catholic.net (...), la phrase est rarement à prendre littéralement. C'est un tic de langage. Que l'on adopte très vite.

En tête des situations à risques:

- Comment vas-tu?

- Bien, gracias a Dios

Un classique.

Ensuite, plus aléatoire, tout ce qui concerne la vie, en général.

- Vous pouvez me livrer ce tissu pour demain?

- Oui, si Dios quiere.

[Presque toutes les situations décrites ici sont réelles et confiées sans trucage]

- Vous pouvez venir me chercher à l'aéroport à 4 heures du matin, j'aurais deux valises de 27 kilos et je serais seule et épuisée ?

- Bien sûr, si Dieu le veut.

Hum.

Je trouve cette façon de s'en remettre à Dieu à tout bout de champ très relaxante. Comme un gros poids - "Que dois-je faire de ma vie?" - qui te serait enlevé. Cela explique aussi, peut-être, pourquoi les Colombiens sont si tranquilles, si fatalistes, si peu geignards, si optimistes. Ils ont une façon admirable de gérer les peines infligées par la vie - et elles sont nombreuses, car malheureusement, ne lis pas ça Maman, mais presque toutes les familles ont été touchées, de près ou de loin,  par la guerre ou la violence liée au narco-trafic. Un cousin séquestré, un frère blessé par une balle, un oncle assassiné dans la rue, ou un ami tabassé un soir de beuverie : le Mal ici, ne prend pas de détours et tape tout de suite très fort. C'est sans doute pour cela, aussi, que le besoin de Dieu est si grand.