Un petit moment de nervosité
Je crois que je suis un tout petit peu nerveuse.
Je sais pas si c’est déjà la ménaupose (ou ménopause ? Si tu sais écrire le mot ménaupause, c’est que tu es un tout petit plus vieille que moi, je ne dis pas ça pour t’agacer, le prends pas mal. Pour ta gouverne, sache qu’on dit MENOPAUSE, et que j’ai dû regarder sur Google pour ça #bientot42).
Je ne crois pas que ce soit vraiment déjà ça.
Mais je suis un tout petit nerveuse, ah ça oui. Heureusement, j’ai deux boîtes d’Atarax qui me restent de France, ça se périme pas vraiment ces trucs-là, je ne les utilise pas, mais je sais qu’elles sont là, en général, ça suffit à me détendre. Je regarde la boîtes, les petites pilules bien rangées, et je redescends d’un petit niveau de stress, passant de 1379 à 1378 – non, je ne sais pas jusqu’où ça monte, tu dirais quoi, toi ?
Je crois que lire a peu près tout ce qui me tombe sous la souris sur l’attentat, les maquereaux de Cosa Nostra, les gens qui se sont cachés sous des corps sans oser ciller, les enfants dans les faux plafonds, les raclures de bidets qui meurent en disant : « C’est pas mon copain ! », ceux qui ont cherché leur amoureux durant des heures, ceux qui les retrouveront jamais mais continuent de croire en l’amour, ceux qui sont encore en cavale et ceux qui s’endorment en se disant qu’ils nous feront tous sauter demain, tout ça, ça ne m’aide pas à faire retomber mon petit côté nerveux.
Même ma mère, cachée dans sa petite ville de province bien tranquille, a poussé un peu plus loin le curseur. La fille de ses voisins du dessus était au Bataclan ce soir-là. Elle figure vraisemblablement sur la vidéo de Daniel Psenny. Elle s’est échappée avec son mari, a été accueillie par un mec qui s’enfuyait comme eux : le type les a emmené dormir chez ses parents, avec lui, pour passer la nuit en sécurité. Le lendemain, ils ont récupéré leur voiture et sont rentrés chez eux, à 200 mètres de chez ma mère. C’est une histoire qui se finit bien, n’est-ce pas. Pourtant, ça m’a un peu petit peu donné de la dyspnée. Je veux dire, ça aurait pu être elle, Micheline, au concert des Death full metal jacket, tu vois…
Je suis tellement un tout petit peu nerveuse, qu’après 11 mois sans fumer, et même quasi sans y penser, j’en ai grillé entre une et quinze. 11 mois à me sentir comme une jeune edelweiss suisse à qui on aurait fait une transfusion sanguine complète, et poum ! Bon, je ne lâche pas encore l’affaire, parce que j’ai pas chopé des grosses fesses pour recommencer bêtement à fumer, sans garantie de retrouver mon derrière d’autrefois.
Je suis tellement légèrement anxieuse que j’ai failli buter un pote colombien qui essayait, pour la cinquième fois en une semaine, de m’expliquer que ce qui se passait en Colombie était pire que ce que vivait l’Europe. Il a peut-être raison, je m’en fous en fait. Un débat a beaucoup fait parler ici : l’idée selon laquelle les colombiens qui avaient changé leur photo de profil Facebook pour mettre le drapeau français se préoccupaient plus pour un pays qui leur était totalement étranger que pour leur drame national. En gros, la France on s’en fout, pourquoi ne pas d’abord penser à nos propres morts ? C’est un réflexe évidemment concevable, et les colombiens qui sont allés au-delà doivent être encore plus remerciés. Mais une fois encore, ce n’est pas la même chose. Ce pote disait que 130 morts, c’était tout de même pas grand-chose et que eux étaient habitués a beaucoup plus de violence. J’ai fini par lui dire que si on faisait une guerre de chiffres, de sang et de cervelle éclatée, alors l’Europe et ses 60 millions de morts durant la seconde guerre mondiale (on va continuer de dire seconde d’accord ?) les éparpillaient grave façon puzzle. Non mais ! De fait, ça lui a coupé la chique.Ca n'a rien à voir d'accord mais voilà #pointgodwin
Cela dit, ce qui s'exprime à travers tout cela tout de même, c’est le sentiment que les pays du tiers monde ne recevront jamais l’attention planétaire dont bénéficie la France. Que tout le monde ne bénéficie pas de la même compassion. Et que certains peuples se sentent très seuls. Comment le nier?
(Tu souffres pour les morts de France, mais pas pour ceux de ton pays?)
J’ai pas mal de copains qui ont abandonné les réseaux sociaux parce qu’on y lit trop de conneries, qu’on s’y écharpe avec des idiots et qu’on passe finalement à côté de la vraie vie. Je suis d’accord. Mais disons que pour moi, ici, c’est mon fil d’Ariane. Je sais bien qu’il offre un prisme déformé, voire complétement distordu, mais c’est un peu tout ce que j’ai. Pour le moment, je continue donc. Je sélectionne plus cela dit, parce que ça tape vraiment sur le système.
Pour me détendre, je me suis remise sérieusement aux fourneaux, et au boulot aussi. Rien de tel qu’une bonne recette pour se remettre d’aplomb. J’ai testé un gâteau brésilien carotte chocolat – pas mal, beau mais un peu lourd – un sauté de veau aux olives - efficace - hier j’ai fait des crèmes aux œufs délicieuses – simplissime et vraiment régressif- et aujourd’hui je me tâte. J’ai très envie de me lancer dans la bûche de Noel. Des idées, des recettes ?
Allez, je t’embrasse, je vais aller regarder quelques vidéos de chats persans qui jouent avec des caniches nains unijambistes sur youtube. Je suis sûre que ça existe.
PS : Au fait, l’histoire des narcos justiciers colombiens était un gros fake, fallait s’en douter… Mais c’est mignon comme histoire.
(Gateau brésilien carottes-chocolat, la recette est la si tu veux essayer, c'est pas mauvais. Mais je recommencerai pas )
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