En visite à Popayan (avec Dieu et Bécassine dedans)
Je t'ai laissé longtemps sans nouvelle mais il se passe beaucoup de choses ici. En plus, je sais que tu es probablement en train de te dorer la pilule par session de 10 minutes (pluie-éclaircie, pluie-éclaircie) au bord d'une plage, à moins que tu ne sois sous la tempête à Paris, enfin, je préfère ne pas trop parler de tout ça, me réjouir du malheur des autres, c'est pas mon truc.
Ici, c'est la canicule, c'est pas mieux, nous sommes rationnés en eau, imagine-toi... A cause d'El Niño, il fait une chaleur de brute et il pleut très peu, donc le gouvernement a décrété que si tu dépassais une certaine consommation d'eau, tu payais le double du prix. Pour le moment, cela ne nous affecte pas vraiment, si ce n'est que les espaces verts jaunissent, que tout prend un air un peu désolé et qu'on évite de remplir la mini-piscine en plastique. Et aussi, bien sûr, que l'on a chaud, mais on s'habitue. Les premiers mois, la chaleur m'abrutissait vraiment, j'avais toujours l'impression de me traîner une sorte de vieille gueule de bois. Mais j'ai fini par m'acclimater. Les jours où je peux mettre un jeans, j'en arrive à être super contente.
Entre les travaux dans la boutique, les achats divers de tout ce qui nous manque (on n'y pense pas quand on va dîner au restaurant, mais c'est inouï la somme de choses qu'il faut, des tables, des chaises, des assiettes, des verres, des couverts, des salières, des poivrières, des tasses à café, des verres à whisky, des verres à bières, des verres à tequila, des seaux à champagne, des présentoirs à addition, des mini-beurriers comme à l'Hôtel Amour, je m'arrête là j'ai mal à la tête), plus le quotidien toujours agité (je te raconterai après), les journées filent à toute vitesse.
Mais je voulais te montrer les photos de Popayán, une jolie petite ville coloniale à environ 3 heures de Cali où nous sommes allés ce week-end. C'est la capitale du département du Cauca (moi, je vis dans la Valle del Cauca, juste à côté donc). La vieille ville est ravissante, c'est vraiment l'image que je me faisais des cités colombiennes anciennes avant de venir y vivre. Cali n'est pas du tout comme cela : à part un tout petit quartier, ce n'est pas très joli, alors c'était super de faire un peu de tourisme.
Comme tu le vois, le centre historique n'est pas surpeuplé. La périphérie en revanche grouille de monde, et pour le coup, c'est très moche. Comme partout en Colombie, les routes et la voiries sont pourries, mais là, ça m'a semblé bien pire qu'à Cali. Tout est très désorganisé, fait à la vite, poussé sur le tas, sans penser à l'urbanisme - l'urba quoi? - mais juste au jour-même. Trouver de quoi avoir un toit sur la tête, installer une tienda pour vendre de la bière, une station service pour les motos, un truc pour attacher les chevaux (oui, il y a pleins de chevaux en ville, vieux, miteux, éfflanqués, qui tirent des charrettes grosses comme des mammouths), des structures pour survivre quoi. A Popayán, dans la vieille ville, rien de tout cela, tout est propre et joli.
Popayán est une ville particulièrement religieuse. Ici aussi, comme à Buga, du monde afflue de tout le pays durant la semaine Sainte (Pâques). Il y des églises à tous les coins de rues. Dimanche, vers midi, il y avait des messes partout quand nous nous promenions. A l'Iglesia del Carmen, ma préférée, le curé était en train d'attendre ses paroissiens sur le perron, tout sourire, vêtu de vert (je t'ai déjà dit que je n'y connaissais rien, lo siento), en serrant la main de tout le monde, avec une tête et un charisme qui te donnait envie d'aller vivre chez lui et de manger ses hosties jusqu'à la fin de tes jours. Sympa, rassurant, chaleureux, rigolo, intelligent. George Clooney, en prêtre. Et quand il est entré, le chœur a entonné une chanson très gaie, entraînante, magnifique. J'ai un peu pleuré, tu me connais, je suis émotive et j'ai toujours cherché Dieu - surtout s'il ressemble à George.
La foi est quelque chose de très palpable en Colombie. De très émouvant aussi.
Au départ, nous allions à Popayán pour une raison précise : la fille d'un Monsieur décédé voilà deux mois vendait tous les meubles de sa maison avant d'appeler les antiquaires. C'est un peu glauque, je te l'accorde. Mais j'adore les vieilleries mixées à l'ultra-moderne (et là, tu te dis, heureusement que Biscuit c'est loin...), cette jeune femme était heureuse de vendre les objets de son père à des connaissances et à un prix forcément meilleur qu'aux antiquaires, et pour nous, c'était aussi l'occasion de découvrir une nouvelle ville.
Donc, nous voilà dans cette maison. Nous achetons quelques meubles, dont une petite table à tiroirs ronde, en merisier, très mignonne, un coq en bois sculpté parfait pour la french touch décalée et une lampe murale avec un abat-jour fait en estomac de vache si j'ai bien compris (mais je ne comprends VRAIMENT pas tout) - qui dégage, donc, t'inquiète pas, je vais le faire refaire...
Et ce Monsieur avait une belle bibliothèque. Je regarde les livres, et j'en vois pleins de très beaux, avec des tranches rouges et crème, toute une collection. Comme je veux une bibliothèque au restaurant, mais que je n'ai que des livres en français, je m'intéresse à ces livres. Je me mets sur la pointe des pieds pour en attraper un, et BIM ! Une douleur de 14 sur l'échelle de l'accouchement qui en compte 159. C'est peu, mais je te jure, j'ai vu toutes les tenues de Céline Dion au Caesar Palace de Las Vegas scintiller devant mes yeux durant au moins deux minutes. Un fer à repasser à braise en fonte, tu sais ceux d'avant l'électricité, venait de me sauter volontairement sur le pied.
J'ai essayé de rester digne parce que chouiner dans la maison d'une fille qui a perdu son père et qui vend tous ses trésors pour une bouchée de pain parce qu'un fer à repasser t'es tombé sur le pied, à toi, la blonde qui sourit bêtement, c'est déplacé et gênant. Je représente la France, 24h/24, et ça me donne une certaine responsabilité tu vois. J'ai continué de sourire, hin hin, muchas gracias, hasta lluego, lo mismo.
Mais PUTAIN J'AI EU MAL.
Je suis allée manger avec tout le monde des chips de maïs censées être délicieuses qui avaient un goût d'hostie, mais sans George Clooney et boire une limonade de coco à tomber par terre - fais moi penser à essayer la recette, please.
Et puis j'ai arrêté de me prendre pour Ellen Ripley et j'ai demandé à aller aux Urgences. Ca commençait à me lancer jusque dans la cuisse.
Les Urgences de Popayán, comment te dire...
Le mieux, c'est encore d'être en excellente santé et de pas te prendre un fer à repasser en fonte situé à deux mètres de haut.
Dans la salle d'attente, il y avait une petite vieille allongée sur trois chaises, avec une perfusion. Son fils, à côté de qui je m'étais assise, m'a demandé l'heure. iI était 19 heures.
- Ah..., a-t-il soupiré
- Mais vous attendez depuis longtemps?
- Depuis 8 heures du matin
- ...
- C'est ma mère, elle est diabétique
- ...
(Je ne maîtrise pas encore le langage médical et j'avais un peu la chique coupée)
- Mais ils vous disent quoi, les médecins?
- Il faut attendre. J'espère que toi, ça ira plus vite.
Il était même pas énervé, il était sincère. J'ai recroquevillé mon orteil. J'avais déjà beaucoup moins mal.
Pour moi, cela a été beaucoup plus vite que pour les autres : en deux heures, on m'avait fait une radio, injecté un calmant (le médecin m'a dit : "Je vais te donner un très bon médicament, tu vas voir", ça m'a semblé très suspect comme formulation, mais de fait, j'ai eu un shoot super efficace, me demande pas ce que c'était), et renvoyée chez moi.
Je ne vais pas développer le système de santé en Colombie, parce que tu es déjà bien aimable de m'avoir suivie jusqu'ici - je suis comme ces petites veilles qui ont de la visite une fois par mois et qui parlent, parlent, parlent, parlent durant le temps qu'on leur alloue - mais sache que si tu paies, tu ne passes pas 12 heures allongée sur des chaises avec une perf'. Et je paie, cher, pour avoir la meilleure couverture de santé possible dans le pays.
Il y a l'équivalent de la Sécu, ou même de la CMU, donc tout le monde a théoriquement droit aux soins, mais il faut attendre. Longtemps, parfois.
Voilà, c'était Bécassine à Popayán. Je t'ai pas raconté la moitié de ce que je voulais te dire, mais je te laisse, je dois aller faire les plans de ma bibliothèque.
Besos
PS : Après deux jours, mon pied va mieux, j'ai juste un orteil qui ressemble à une trompette de la mort et que je ne peux pas toucher. Rien de grave, donc. Et pas de fracture. J'ai acheté le fer, du coup.
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