Une Parisienne à Cali

Une Parisienne à Cali

Personal Branling. Faire et faire savoir

Je n’ai jamais été très bonne vendeuse. Surtout pas de moi-même. Pendant des années, je rougissais tellement pour tout que mes relations avec certaines personnes tournaient forcément court, genre, je devais me barrer pour aller dégazer chromatiquement aux toilettes. Il y a eu un stade où je rougissais tellement que l’idée que j’allais sans doute être dans une situation à rougir me faisait rougir, même si j’étais seule dans ma chambre. Rien que de l’écrire, je suis sûre que j’ai un peu rosi, mais je n’irai pas vérifier, parce qu’aujourd’hui, je m’en fous. J’en ai aussi joué, j’avoue, car j’avais, beaucoup beaucoup plus tard, bizarrement atteint un certain degré de maîtrise de la chose : je pouvais plus ou moins me colorer sur commande et les hommes, ces êtres délicieux mais si faibles, tombaient toujours dans le panneau… J’en ai parfois profité – c’est de bonne guerre et personne ne s’en est plaint jusqu’à présent.

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(Un anniversaire a Biscuit)

 

Il m’est arrivé de prendre un Lexomil pour un aller à déjeuner plus ou moins amical, et d’arriver complétement stone pour manger ma César salade, en couinant bêtement pour tout, avec des morceaux de laitue entre les dents, traaaaanquille. Les entretiens d’embauche ou de concours étaient une torture, jusqu’au jour où mon père m’a dit d’imaginer les jurys en train de se soulager sur le trône – j’avoue, ça a bien marché ; NON, je ne parlerai pas plus de crotte aujourd’hui. Il m’est arrivé, en vacances, célibataire en maillot de bains, de faire des attaques de panique parce que le mec sur lequel je louchais depuis 24 heures (ça passe vite les vacances) venait me demander si je ne voulais vraiment pas me mettre de l’indice 110 parce que si je prenais encore un coup de soleil j’allais ressembler à un steak tartare. Il m’est arrivé de parler comme une merde  a un garçon qui me plaisait beaucoup en soirée parce que j’avais trop peur de me retrouver dans une situation ou éventuellement il aurait pu arriver ce que je voulais qu’il arrive mais qui ne pouvait pas arriver puisque j’allais être trop rouge, trop gourde ou trop fébrile. A 7 ans, j’avais écrit au courrier des lecteurs d’Astrapi pour leur dire que ce problème me gâchait la vie (pas celui des mecs, hein) et une dame très gentille m’avait envoyé une réponse pas si bidon qui parlait de temps, d’acceptation de soi, de faiblesses partagées par tous mais manifestées différemment. A 19 ans, amoureuse malheureuse, j’étais parfois quasi incapable de parler á l’objet de mon désir ; une fois, j’ai même du lui répondre par geste (pour lui dire que moi aussi j’aimais The Smiths, j’ai levé mes deux pouces en l’air, étouffée d´émotions), sans pouvoir articuler quoi que ce soit. Je suis beaucoup tombée dans des escaliers parce que j’étais troublée, j’ai raté pas mal de trottoirs, je suis rentrée dans des dizaines de gens parce que je regardais mes chaussures, je me suis évanouie plus que la moyenne. J’ai passé des quarts d’heure entiers les coudes collés aux cotes, pour tenter de dissimuler les auréoles de transpiration qui tachaient mes chemises. J’ai tourné ma langue 450 fois avant d’intervenir en conférence de presse, le micro déjà dans la main, tremblante, la sueur qui me coulait entre les omoplates, répétant ma question dans ma tête, jusqu’à ce qu’un confrère ne finisse pas la poser avant moi.

 

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(Des clients qui fetaient leur anniversaire)

 

 

Bon bref, tu as compris, j’étais timide et pas du genre à me mettre en avant. J’avais aussi dans le même temps, attention #teamBecassineMaisaMoitiéSeulement, des moments de folle gloire, où je ne l’étais plus du tout - pourquoi, comment, on ne saura jamais – durant lesquels je me désinhibais totalement et où j’aurais pu vendre un frigo á un esquimau. Le théâtre d’impro, pratiqué entre 30 et 34 ans, mas o menos, m’a beaucoup aidée. Avec mes copains de la ligue d’impro, j’ai compris que le ridicule ne tuait pas, et que quitte a être dans une situation délicate ou déplaisante, mieux valait y aller à fond, voire, en rajouter. Depuis, si je rentre dans une porte en verre par exemple, au lieu de baisser la tête et de m’engouffrer dans la première station de métro, TOUTE ROUGE, je ris très fort, j’appelle une amie pour lui raconter la bonne histoire, et je demande à un passant de prendre en photo la bosse qui pousse sur mon front, voire, je pose à côté de la porte.

Bien sûr, c’est une image.

Il n’y a pas de métro à Cali.  

J’étais comme ça. Aujourd’hui, il reste des séquelles bien sûr, mais j’ai vraiment gagné en confiance. La maturité, l’amour de Sebastian, le regard bienveillant des autres, 15 ans de thérapie, des situations si difficiles à gérer que j’ai été obligée de lâcher prise (me sortir les doigts du cul), des moments de désespoir total suivis de sorties du tunnel, la maternité qui forcément te dénombrilise, font que j’ai finalement appris à m’accepter. Je me souviens d’une séance chez un hypnotiseur qui m’avait demandé de me regarder dans un miroir et de me dire à moi-même : « Je t’aime » - ah oui, ça n’allait pas fort... J’avais détesté cette expérience, que j’avais trouvée ridicule et profondément gênante. Je m’étais dit « Je t’aime » pour lui faire plaisir, en pensant « Pauvre conne ». C’était il y a des années, c’était une autre vie, une autre Je. Tant mieux.

Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de tout cela. Je suis presque étonnée de te raconter ça, je ne sais même pas d’où ça sort, pourquoi maintenant, pourquoi tant d’impudeur soudainement alors qu’on devrait être en train de parler de coke et de gros seins. Je ne sais jamais vraiment ce que je vais t’écrire, je commence avec juste une idée. L’idée d’aujourd’hui, c’était de partager avec toi quelques succès de Biscuit.

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Le fait que nous soyons troisième des restaurants de Cali sur Trip advisor. Je te préviens, c’est un classement qui ne veut pas dire réellement grand-chose car il y en a d’autres qui figurent derrière nous et qui sont, pour les avoir testés, d’une autre trempe. Je crois que Trip advisor enregistre surtout le trafic, la proportion d’avis positifs et je ne sais quoi d’autre qui implique un algorithme a dit Sebastian (c’est quoi, en fait, un algorithme ?), mais bon, en tout cas, on ne va bouder notre plaisir : nous sommes indiscutablement 3eme à ce jour et ça nous remplit de joie. Pourvu que ça dure.

Le fait que notre histoire était dans le Femme actuelle de cette semaine, sous la rubrique « Ils ont changé de vie », ça m’a fait plaisir et quand tu lis ton parcours écrit par quelqu’un d’autre, ça fait tout de suite plus joli. Je fais un peu de teasing mais nous allons aussi apparaître dans un livre aux éditions la Martinière, je t’en reparlerai le moment venu.

Le fait que nous allons fêter nos 6 mois d’existence, que nous sommes toujours vivants, toujours mariés, toujours avec 10 doigts, toujours avec des cheveux, toujours avec des clients. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, cette semaine, lundi, pour la première fois, nous avons eu un jour à zéro, nada, on n’a pas vendu un café, on n’a même pas donné un verre d’eau. RIEN. Que tchi, comme on dit chez nous dans le Nord. Ca fait drôle. Comme toujours, avec Sebastian, on panique un peu, on remet tout en question, on cherche des solutions (« Ou alors tu sers topless ? »), et puis on boit un verre, et on attend le lendemain. Et le reste de la semaine a été pas top mardi, OK mercredi, bon jeudi, super hier et aujourd’hui. Et là, comme toujours, avec Sebastian, quand tout repart bien, on fait des plans sur la comète, on parle d’ouvrir un hôtel, des succursales dans le sud, à Bogota, une boutique de déco, et même, ça c’est mon idée, un Biscuit à Paris.

 

 

Biscuit. Cali - Paris

 

Ca peterait, non ?

J’ai peut-être un peu le melon...

Tu me le dis, hein, si tu vois que je rougis plus, que je l’ouvre tout le temps, que je te double chez le boulanger, que je continue à faire du personal branling  et tout ça ? Merci. [Et encore, t’as du bol que je ne te parle pas de mon fils, cet être exceptionnel promis à un destin hors du commun].  

Allez, je t’embrasse mon chicharron grillé. C’est toujours une joie de te parler.

Et si tu veux suivre Biscuit sur Instagram, c'est ici

 

 

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15/03/2015
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